GB_1985

Les premiers équipements de plongée
utilisés par les sapeurs pompiers


par Jean-Claude OPRESCO, Colonel E.R des sapeurs-pompiers,
conseiller technique à la Fédération Nationale des sapeurs-pompiers Français

 


 

Un siècle de plongée… du scaphandre à casque aux plongeurs autonomes.

De tous temps les populations se sont regroupées à proximité de plans d’eau, rivières et fleuves, océans , afin de faciliter leurs déplacements et les échanges et bénéficier de leurs ressources. Cette proximité n’était pas sans risques , naufrages et noyades fréquents.

Mourir par submersion a été longtemps considéré comme un sort effroyable et dégradant : entrer en contact avec un noyé, même le frôler, portait malheur !aussi ne se préoccupe-t-on pas de leur sauvetage ; cependant les mœurs évoluant, la mort ne devient plus une fatalité et l’opinion publique se préoccupe de leurs sorts.

Organisés de tous temps sous différentes structures, les sapeurs-pompiers chargés entre autres des secours à personnes ,sont confrontés à ces risques et à la nécessité d’intervenir. Mais l’intervention se limitait au dégagement du noyé ou à la recherche avec des grappins ; en effet franchir durablement la surface n’est pas envisagé bien que des expériences sont faites depuis des temps reculés avec des équipements hétéroclites et fantaisistes . Ces expériences se sont soldés , en général ,par des échecs et des accidents.

Certaines cependant permettront de faire progresser la recherche.

 

En 1838 , un officier des sapeurs-pompiers de PARIS , le Lieutenant-colonel PAULIN ,dépose un brevet correspondant à «  un appareil pour pénétrer dans des lieux infectés et application au plongeur qui doit rester longtemps sous l’eau pour travailler … » son appareil fut très certainement expérimenté mais sans suite .Il faudra attendre la fin du XIXème siècle et le développement du scaphandre à casque pour que les sapeurs-pompiers effectuent de interventions sous-marines .

(Reconstitution du scaphandre PAULLIN par P.DAMON )

 

A la fin du 19e siècle, les sapeurs-pompiers de PARIS ont expérimenté un scaphandre mis au point par un « chapelier et fabricant d’objets en caoutchouc » J.M CABIROL (équipement présenté à l’exposition universelle en 1855) mais sans qu’ils en soient équipés.

( Scaphandre CABIROL)

En 1903 est promulgué un texte essentiel , base des collectivités locales : le Code des Communes .Ce texte institue l’ autorité des Maires et en particulier en matière de pouvoir de police ; il leur est fait obligation de « prévenir et de faire cesser par la distribution de secours appropriés, les fléaux calamiteux et les accidents de toutes natures « .Les corps de sapeurs-pompiers alors placés sous la responsabilité des Magistrats municipaux dont ils constituent le moyen essentiel pour répondre à ces obligations , se structurent et s’organisent. L’intervention et le sauvetage en milieux aquatiques leurs imposent de s’équiper et de se former.

 

En 1860 un ingénieur des mines , Benoit ROUQUAYROL, avec l’ aide d’un officier de la Marine, Auguste DENAYROUZE , met au point un appareil de plongée donnant la possibilité à un plongeur de « porter sur son dos une capacité d’ air comprimée et d un régulateur lui permettant d’explorer rapidement pendant une heure et même deux heures, une grande étendue de mer … » Le scaphandre autonome est né

( Scaphandre et equipements ROUQAYROL-DENAYROUZE )

 

 

La Marine utilisa ces équipements mais aucune trace indique que des sapeurs-pompiers aient plongé avec .En 1940 les service de secours et de lutte contre l’ incendie de Seine et Oise firent l’ acquisition de deux scaphandres à casques «  PIEL DERAYROUZE » ils furent peu utilisés compte-tenu de la lourdeur de l’ équipement et des difficultés pour se mouvoir .Des scaphandres à casques furent également utilisés par les sapeurs-pompiers de SAINT-ETIENNE et les Marins-Pompiers de MARSEILLE .

 

 

(Scaphandres PIEL-DENAYROUZE des services d’ incendie et secours de SEINE et OISE )

Les services d’incendie et de secours se sont surtout orientés vers des appareils permettant une autonomie et une grande aisance .Les choix se sont portés vers un appareil réalisé par le Commandant LE PRIEUR en 1934. Cet appareil autonome comprenait une bouteille d’air comprimé et un manodétendeur relié à un masque facial. Il permettait une immersion prolongée, la pression de l’air étant réglée manuellement au fur et à mesure de la profondeur. Ces équipements furent testés et utilisés par les sapeurs-pompiers de PARIS (dont des essais dans l’aquarium du Trocadéro ).Plusieurs corps de sapeurs-pompiers de grandes communes en furent équipés (LYON, SEINE et OISE …)

(Scaphandre LE PRIEUR –
utilisé par sapeurs pompiers de LYON )

scaphandre LEPRIEUR - musée SP de LYON)

 

 

En 1937, Georges COMMEINHES , ingénieur marseillais , met au point un appareil respiratoire à circuit ouvert et à débit d’ air à la demande.il réalise un appareil amphibie le «  RC35 Amphibie «  qu’il perfectionne ( GC 42 ) et lui donne des capacités « tous usages »  ( GC 45 , 58 et 60 ) . Les sapeurs-pompiers sont, à cette époque, liés avec la société COMMEINHES qui les équipe en matériels de soins et de ranimation ;Ils utilisent aussi les appareils tous usages pour les explorations dans la fumée et de nombreux centres de secours de métropole en sont équipés. Les premiers «  hommes grenouilles « vont utiliser l’appareil amphibie et en particulier le GC 45 avec masque faciale ( équipements homologués par le Ministère de l’Intérieur-1958 et 1961)

(scaphandre COMMEINHES GC 42 ) scaphandre tri-bouteilles Commeinhes


(Scaphandre GC utilisé par des plongeurs sapeurs pompiers de Seine et Oise)

En 1945 , le Commandant J.Y COUSTEAU et l’ ingénieur GAGNAN mettent au point un détendeur automatique , le CG 45 ,Commercialisé par la société SPIROTECHNIQUE (filiale de l’AIR LIQUIDE).ce premier détendeur sera amélioré et remplacé par un détendeur robuste et de conception simple , le MISTRAL .Ce détendeur couplé à une ou deux bouteilles d’ air comprimé va ouvrir le monde sous-marin au grand public .Les plongeurs sapeurs-pompiers vont utiliser le CG45 mais vite le remplacer par le détendeur mistral «  un étage avec tuyaux annelés » .Il est , en effet d’ une grande simplicité d’ emploi et d’ entretien et a reçu en 1952, l’ agrément du Ministère de l’ Intérieur ( Protection Civile ). Le scaphandre équipera la plupart des centres de secours à la fin des années 1950.

( Scaphandre COUSTEAU-GAGNAN CG 45)

Des équipements viennent compléter les équipements individuels des scaphandriers : vêtements isothermiques humides ( caoutchouc mousse morse , néoprènes souples …)palmes( Gödel , super marine, jets fins …)gilets de sécurité( spiro, Frenzy …)masques , tubas, ceintures de lestage…

D’autres équipements sont apparus sur le marché à cette époque et furent utilisés tels que des détendeurs de marques SOUPLAIR, CRISTAL …Certains comme les sapeurs-pompiers de TOULOUSE ont plongé avec un scaphandre, le « POUMONDEAU de Georges SERAIL, mais un accident mortel survenant à son inventeur en arrêta la fabrication. Les sapeurs-pompiers de STRASBOURG et de MULHOUSE, ont utilisé des équipements allemands DRAGER… Un décret du 7 mars 1953, consécutif à la réorganisation des corps de sapeurs-pompiers et l’organisation des services d’incendie et de secours va, en autres, définir les missions et les conditions d’exécution . Il préconise également la normalisation des équipements ; ces dispositions législatives vont permettre de règlementer les procédures et de définir les équipements adaptés aux missions.

Les scaphandriers qui interviennent en mer , adaptent leurs équipements pour se protéger du froid , atteindre les profondeurs fixées ( 60 mètres maximum ) avoir le maximum d’ autonomie et de sécurité. La plupart utiliseront des monobloc acier avec détendeurs Mistral et Royal-mistral et des vêtements deux pièces ou mono-pièce avec cagoules attenantes.

 

 


Equipe SAL des Sap.Pompiers de S et O - 1960

 

Formation à BENDOR en 1961

Formation à BENDOR en 1965

 



Formation à la plongée profonde à ANTIBES

Pour les interventions en plans d’eau intérieurs ou dans des eaux chargées, sous glace ou en site fermé, les plongeurs ont dû rechercher parmi les équipements commercialisés au début des années 1960, ceux qui seraient le plus adaptés aux conditions spécifiques des environnements aquatiques dans lesquels ils pouvaient être amenés à évoluer.

Les scaphandres qui équipent les Centres de Secours sont constitués de bloc bouteilles mono-acier ou bi-alu de 2,1 à 2,4 m3 (pression d’ utilisation 150-170bars) et de détendeurs à un étage (HP-BP). Pour des interventions très localisées (égouts etc…) certains centres disposent de systèmes « narguilé «avec glènes et bouteilles d’air comprimé en surface. Pour les interventions d’urgence, il est fait éventuellement usage de bouteilles d’ air « mini alu »  et de détendeurs à deux étages. Ces ensembles , très maniables, facilitent les gestes de sauvetage mais sont d’une autonomie réduite. Les détenteurs à deux étages (HP-MP-BP) sont aussi préférés au Mistral ( alizé , aquilon , calypso…constitués d’un étage fixé sur le bloc bouteille et d’un flexible reliant le deuxième étage, buccal) pour les évolutions en eaux chargées et encombrées ; ils ne présentent pas, en effet, les inconvénients des tuyaux annelés ( accrochage et flexibilité dans le courant). Des appareils à circuit fermé utilisés par les nageurs de combats (fenzy …) ont été testés par certains corps de sapeurs-pompiers  mais bien que de plus grande autonomie, ils n’ont pas été utilisés car limité en profondeur et déconseillé par la Service National de la Protection Civile (1951).

Tenue plongée eaux chargées - 1999

Concernant les tenues de plongée classiques , dites « humides »il est recherché des combinaisons souples en néoprène, deux pièces ou mono-pièces, faciles à revêtir et résistantes aux déchirures, avec cagoule attenante afin de bien protéger la nuque. Pour certaines plongées ,en particulier en plan d’ eau intérieur où elles peuvent s’ effectuer par tous temps , par de basses températures et à de faibles profondeurs (ce qui occasionne de multiples ré immersions), les services s’orientent vers des tenues semi-humides ou étanches.

En 1950, la Spirotechnique commercialise un vêtement étanche à volume constant( brevet J.Y COUSTEAU) le Volume Constant PHOQUE. Il sera utilisé à partir de 1959 par les plongeurs des centres de secours de l’ intérieur et pendant plusieurs années mais de manière occasionnelle car bien que protégeant totalement le plongeur du froid et des eaux polluées, il est cependant peu souple, d’un habillage contraignant et peu adapté aux progressions.

 

 

 

Utilisation des vêtements étanches (1972)

En 1970, une société située dans l’Essonne, la société PIEL, met au point et commercialise, après agrément de la Marine Nationale, un vêtement étanche souple, le SP 12 et un casque de plongée s’adaptant à la combinaison. Le casque EP200, dérivé des casque de vol en haute altitude ( que le cinéma révèlera dans le film de Jean GIRAULT «  les gendarmes en ballade » )est alimenté par un détendeur automatique (micro-régulateur M 300)L’ ensemble présente des avantages: le vêtement est résistant , souple d’habillage aisé et rapide ; le casque protège la tête ( ce qui est demandé par le service médical pour éviter les infections nasales et des oreilles et protéger la tête des chocs ); il permet également une liaison phonique; le détendeur est robuste et fiable.

Ces équipements seront acquis pour les équipes de scaphandriers des services d’incendie et de secours des Yvelines, du Val d’Oise et de la Communauté Urbaine de BORDEAUX .Ils seront, cependant, peu utilisés, en particulier les casque, ceux-ci n’ayant pas d’embout buccal (l’air est distribué par une rampe circulaire )et parfois peu étanche !

 

Au début des années 1970 , la plongée professionnelle s’ organise et en Novembre 1974 est promulgué un décret relatifs aux mesures particulières …applicables aux scaphandriers effectuant des travaux à des pressions supérieures à la pression atmosphérique. Ce texte va amener les sociétés spécialisées à mettre au point et commercialiser des équipements répondant à des normes spécifiques et aux recommandations de ce texte. Les scaphandriers devront disposer de système de réserve ou de contrôle de pression de la ou les bouteilles, d’un équipement individuel spécifique lui permettant d’ assurer en toutes circonstances , son alimentation en gaz respiratoire, de contrôler les différents paramètres, de maintenir son équilibre thermique, de se déplacer sans entrave et de remonter en cas d’urgence. Une société déjà renommée en matière d’ exploration et de travaux sous-marins , La COMEX , développe alors des matériels adaptés aux travaux immergés (casques et masques faciaux, détendeurs, vêtements étanches, entre autres), qui seront utilisés par les scaphandriers professionnels.

Vêtement sec étanche viking

 

 

 

 


Equipement de plongée « COMEX »

Une instruction en 1975, du ministère de l’intérieur , Direction nationale de la Protection Civile , reprend les recommandations du décret du Ministère du Travail et en particulier en matière d’ équipements .Les services d’ incendie et de secours vont dès lors équiper leurs plongeurs de scaphandres et vêtements humides et secs et autres équipements, normalisés et adaptés aux lieux d’ intervention. La généralisation des achats groupés va permettre l’uniformisation des matériels. Les équipements actuels, bénéficiant des techniques et de l’évolution des normes, sont adaptés aux différentes conditions de plongée et assurent les meilleurs conditions de confort et de sécurité des personnels.

 

Equipement classique 1980

Formations à la plongée à ANTIBES

Equipements vêtements secs étanches

Formation plongée spéléo (plongeurs surfaces non libre - CASSIS 2012)

Equipement individuel pour plongées en surgface non libre (souterrain)

 

Plongée avec équipement narguilé

Utilisation de masques faciaux avec phonie

 

 

Scaphandre intégral

Plongeurs SDIS VAR .2014