GB_1985

« Au fil de l’histoire » par Jean-Pierre Durand

Jean-Pierre Durand a offert au musée de Sanary de nombreuses pièces dont l’histoire vous est contée par lui dans les pages ci-dessous. Matériel photo inventé ou modifié, montages de bouteilles improbables et reconstitution des détendeurs de la Spiro. Le fonds Jean-Pierre-Durand est conséquent et homogène du fait de son histoire. Jean-Pierre Durand est un des « bricoleurs de génie » dont s’honore l’aventure sous-marine et le musée Frédéric-Dumas.

Voici un éléments historique concernant le bi bouteille:  « La semaine dernière j’ai fait un saut dans ma famille et en passant à Pézenas j’ai découvert que la route qui pénètre en ville porte le nom de l’aviateur allié abattu en 1944 dans les environs. C’est avec les bouteilles d’oxygène de son avion que j’ai construit, en son temps, mes premiers scaphandres autonomes. Ci-joint photo de la plaque de rue. J’ai pensé que ça pouvait vous intéresser. »
Amicalement
Jean-Pierre Durand

et voici la photo:

Le bi bouteille avec la copie du CG45 est actuellement exposé au musée. En sorte désormais d’hommage à cet aviateur. Photo Jean-Pierre Durand.

« Au fil de l’histoire »  par Jean-Pierre Durand

1950 – J’étais au lycée en classe de troisième lorsque j’ai vu pour la première fois au Cap d’Agde un chasseur sous-marin équipé d’un masque et d’un tuba .Comme je n’avais  pas les moyens de m’acheter ce matériel j’ai fabriqué un masque avec une chambre à air de voiture et un tuba avec un morceau de tuyau en caoutchouc tenu courbé avec une corde à piano .(A ce jour le masque a disparu et il ne reste plus qu’une partie du tuba .)

Le « bout » du tuba de Jean-Pierre Durand. Coll. musée Frédéric-Dumas. Don Jean-Pierre Durand.

1951- Mon père exploitait une propriété viticole et utilisait un compresseur Luchard H10 pour produire de l’air comprimé destiné à  pulvériser du sulfate de cuivre sur les vignes. Mon frère aîné me disait « Nous  avons de l’air comprimé à notre disposition, il nous manque un scaphandre comme le Cousteau-Gagnan .Cet appareil permet de respirer sous l’eau en délivrant de l’air à la pression de l’eau au niveau du plongeur. Comme son prix est inabordable pour nous, il faudrait en fabriquer un, mais comment ? » Au lycée j’avais appris le principe de la pression hydrostatique, mais je me demandais comment ouvrir un clapet d’air avec le faible effort donné par une membrane en caoutchouc.



1953- En classe de terminale, à cette époque, on étudiait la machine à vapeur et j’ai alors pensé que le tiroir de distribution de vapeur pouvait très bien distribuer de l’air et faire office de clapet pour le détendeur. En faisant arriver l’air par des trous égaux et diamétralement opposés dans le cylindre du distributeur , il n’y avait pas d’effet de plaquage du piston sur la paroi du cylindre et aucun effort n’était nécessaire pour le déplacer donc pour ouvrir l’arrivée d’air . Il suffisait alors de construire.

Un ami tourneur a tiré d’une barre de laiton un petit cylindre et son piston associé et j’ai fabriqué la « casserole » du détendeur avec de la tôle de cuivre prélevée sur une ancienne sulfateuse mise au rebut , le tout soudé à l’étain . La membrane du détendeur a été découpée dans une chambre à air de voiture et la liaison entre la membrane et le piston réalisée avec un rayon de roue de bicyclette. Le bec de canard a été fait avec le caoutchouc fin d’une vessie de ballon de football. Des tuyaux en caoutchouc lisses assuraient la liaison entre détendeur et embout.

Les premiers essais ont été réalisés sur la plage du gros d’Agde, sous forme de « narguilé » : Une bouteille d’air comprimé en surface avec manodétendeur (utilisés pour les sulfatages des vignes), un tuyau flexible alimentant le détendeur à piston.

Voici le second narguillé réalisé par Jean-Pierre Durand (le premier étant réduit à l’état proche du néant). Celui-là est visible au musée Salle Maurice-Fargues. Don Jean-Pierre Durand.

« Les essais ayant été déclarés concluants on a décidé de passer au système autonome :

Nos bouteilles d’air comprimé pour le sulfatage étant trop lourdes il a fallu trouver autre chose. C’est chez un ferrailleur de Pézénas que nous avons déniché notre bonheur : Des bouteilles d’oxygène de 6,6 litres provenant d’un avion anglais abattu dans la région par la DCA à la fin de la guerre. Après avoir fait éprouver ces bouteilles , j’ai pu constituer un bloc de deux et un bloc de trois bouteilles ( Deux et trois mètre cubes à 150 bars).

Un ami plombier m’a donné un vieux détendeur de soudage qui, après remise en état, m’a servi de premier étage pour mon détendeur à piston.

C’est ainsi que j’ai pu plonger en scaphandre autonome dés l’été 1954″

1954-1956- « A la distribution des prix en juillet 54 (ça se pratiquait à cette époque), j’ai reçu « Le monde du silence » de JY Cousteau et F Dumas et ça m’a ouvert des horizons nouveaux pour les détendeurs et la photo. C’est alors que j’ai construit mon premier détendeur à deux étages monobloc en utilisant le détendeur de soudage cité ci-dessus mais en l’intégrant à la casserole du second étage toujours réalisée avec la tôle de cuivre de la vieille sulfateuse et le tout soudé à l’étain. Les tuyaux annelés provenaient de systèmes d’alimentation en gaz de moteurs de voitures.

J’ai eu en main un « mistral » prêté par un ami et sans vergogne j’ai construit deux répliques adaptées à mon système de raccordement d’air comprimé à gros écrous, toujours avec les moyens du bord. J’avais donc trois détendeurs (un à deux étages et deux à un seul étage) et plusieurs blocs de bouteilles de deux et trois mètres cubes : les portes de la plongée nous étaient grandes ouvertes.

Le détendeur « Mistral » de la Spirotechnique (1955). Plans dressés par Jean-Pierre Durand. Planche 1.

Le détendeur « Mistral » de la Spirotechnique (1955). Plans dressés par Jean-Pierre Durand. Planche 2

Notons que ces trois planches nous ont été transmises par Jacques Chabert de Cap d’Agde qui les tenait de Jean-Pierre Durand!

Quelques années plus tard j’ai abandonné les bouteilles d’oxygène qui étaient frétées avec un fil d’acier que je n’arrivais pas à protéger correctement de la corrosion.

J’ai adopté des bouteilles « Brunon-Valette » de même capacité et plus allongées ce qui n’était que mieux pour l’hydrodynamisme. »     Les voici:

Bi bouteilles Brunon-Valette N°INV 2011.3.1(avant restauration) avec détendeur « bricolé » à partir d’un modèle du commerce: le Mistral de la Spirotechnique. Coll musée Frédéric-Dumas. Donation Jean-Pierre Durand.

Second bi bouteilles Brunon-Valette N°INV 2011.4.1 (avant restauration) avec détendeur « maison ». Ce sont donc 2 bi bouteilles et deux copies du Mistral qui enrichissent les collections du musées. Coll. musée Frédéric-Dumas. Donation Jean-Pierre Durand.

Le même.

Un des deux bi bouteille avec son détendeur construit par Jean-Pierre Durand est en exposition permanente au musée (salle Maurice-Fargues). L’un et l’autre ont été vu à Paris (Salon international de la plongée), à Marseille en 2012 et 2013 au Festival mondial de l’image sous-marine, tout cet été 2013  à la Batterie du cap-Nègre de Six-Fours-les-Plages et en cette année 2014 au Salon de la plongée de Paris sur le stand « Sanary-musée-plongée ». La restauration des bouteilles a été réalisé par Alain Chevalier alors directeur de la SMR Société Méditéranéenne de Requalification, travail d’orfèvre ! Désormais retraité il a cèdé la société à ses deux associés Hervé Noël et Philippe Rabiller, tout aussi attentifs au développement du musée. SMR sponsor officiel du musée Frédéric-Dumas héberge le site que vous êtes en train de lire.



1955- Photographie et cinéma

« Envie de rapporter des images de tout ce que je voyais en plongée, d’où la mise en boite d’appareils photo ou cinéma .

La première boite est destinée à recevoir une « Rétinette » kodak 24×36 .

Boîtier étanche pour Kodak Rétinette 24X36 avec flash réalisé en 1957. Exposé salle Maurice-Fargues.     Coll. musée Frédéric-Dumas. N°INV 2011.7.1 & sq. Don Jean-Pierre Durand

Cette boite est construite en tôle d’acier de 3 mm d’épaisseur soudée à l’arc et galvanisée à chaud. Les passages des commandes sont étanchées pas des morceaux de  tuyaux en caoutchouc médical très souples. L’équilibrage hydrostatique est assuré par une épaisse plaque de liège.

Le flotteur pour le caisson étanche du caisson pour Rétinette Kodak



J’ai ensuite réalisé le caisson étanche pour une caméra Eumig 8 mm mécanique en utilisant la même technique que pour le boîtier de l’appareil de photo.

Caisson étanche pour caméra Eumig 8mm mécanique réalisé en 1957 (ou 1958). Exposé salle Maurice-Fargues. Coll. musée Frédéric-Dumas.N°INV 2011.13.1.1 & sq.  Don Jean-Pierre Durand.

Le flotteur du caisson caméra Eumig. Le musée présente l’ensemble complet.

La caméra Eumig dans son boîtier et…dans son élément. Photo prise par Jean-Pierre Durand avec le Rétinette Kodak…dans son boîtier. Coll. Jean-Pierre Durand.

Le cinéma me donnant de meilleures satisfactions que la photo, j’ai abandonné un certain temps la photo pour le cinéma jusqu’au jour où j’ai installé un flash sur mon boîtier photo. Il s’agit d’un flash à ampoules magnésium à usage unique. Le corps du flash est logé dans le boîtier de l’appareil photo et les ampoules sont placées dans un réflecteur installé sur un bras à l’extérieur du boîtier. Le remplacement des ampoules se fait sous l’eau. Là, devant la beauté des photos obtenues grâce à l’éclairage du flash, j’ai abandonné le cinéma qui me donnait des images à dominante bleu. »

L’ensemble monté tel que nous le voyons au musée:

L’ensemble caisson, flotteur, flash pour « Rétinette » Kodak. Conception et réalisation Jean-Pierre Durand. Coll musée. Donation Jean-Pierre Durand.

1961-  Trombinoscope

Cette année-là, j’ai eu l’occasion d’aller sur les bords de la Mer Rouge à Eilat en Israël et devant l’impossibilité d’emporter mes boîtiers étanches car trop lourds et trop volumineux, j’ai fabriqué un « trombinoscope » de J.A. Stevens plus adapté aux exigences du voyage. Cet ustensile est constitué d’un morceau de chambre à air de voiture fermé à une extrémité par un hublot en verre et de l’autre par un gant en caoutchouc. Contre le hublot une équerre en alu permet de fixer l’appareil photo ou la caméra. Il suffit d’introduire la main dans le gant pour avoir accès aux commandes de l’appareil. Bien sûr on ne peut descendre qu’à quelques mètres sous l’eau mais c’est toujours mieux que rien.

Le trombinoscope reconstitué par Jean-Pierre Durand pour le musée Frédéric-Dumas et actuellement exposé salle Maurice-Fargues.

Les premiers « caissons » en caoutchouc étaient bien sûr étanches et fermés, il fallait -en tenant compte de la pression-  manipuler les commandes de l’appareil de prise de vues par l’extérieur. (voir l’article sur Pierre Mongeot). Ici le système développé par J. Y. Stevens pour son Plastiphot repose sur l’insertion d’un gant de ménage rétractable dont l’entrée est cerclée à la place d’une vitre. C’est donc un état technique intermédiare, il est cependnat plus simple que le « Plastiphot ».

Avec l’appareil photo. Le trombinoscope et l’appareil de prise de vues sont exposés salle Maurice-Fargues.    Coll musée Frédéric-Dumas Donation Jean-Pierre Durand.

L’ensemble. Une partie de l’original(verre cerclage et morceau de caoutchouc) est exposé au musée avec le trombinoscope.

1962-  Boîtier « Tarzan »

Je récupère un vieux boîtier « Tarzan » pour appareil photo FOCA Standard à objectif de 35 mm ouvrant à f : 3,5. Pendant mon service militaire j’ai la chance d’avoir accès à un atelier de mécanique et je modifie entièrement le boîtier :

-Réfection des commandes avec étanchéité par joints toriques.

-Ajout d’une commande de mise au point à grand renfort d’engrenages de Meccano.

-Adaptation d’une lentille additionnelle immergée et amovible pour prise de vues rapprochées.

-Ajout d’un viseur extérieur.

-Confection d’un flash magnésium externe (Il n’y a pas de place dans le boîtier pour y installer le flash)

-Modification des contacts de déclanchement du flash, dans l’appareil photo, afin de pouvoir utiliser la pleine puissance des lampes magnésium standard avec l’obturateur à rideau au 1/50 de seconde.

-Confection d’un distributeur de lampes flash.

-Equilibrage de l’ensemble avec du liège.

Boîtier « Tarzan » de Beuchat Marseille (pour appareil Foca réplique du Leica)  revisité par Jean-Pierre Durand (1962). Coll musée Frédéric-Dumas. N°INV 2011.8.1.2 & sq.  Photo Jean-Pierre Durand.

Où l’on voit les modifications apportées ainsi que l’adjonction de blocs de liège.

Avant de faire sa donation Jean-Pierre Durand avait soigneusement restauré son matériel. On mesure avec cette photo le travail accompli. Photo Jean-Pierre Durand.

le flash avec son tube réservoir d’ampoule à débit automatique. Photo Jean-Pierre Durand

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Bras du flash pour le caisson « Tarzan » Beuchat. Luxe: la réserve d’ampoules logé le long du bras. A chaque usage une nouvelle ampoule apparaît (jusqu’à épuisement du stock ! ). Au premier plan remarquons la lentille additionnelle pour macro photo.

Où l’on voit les systèmes de transmission des commandes. Photo Jean-Pierre Durand

L’intérieur du boîtier « Tarzan » de Beuchat revisté par Jean-Pierre Durand. Quant à l’appareil photo son constructeur d’origine ne le reconnaîtrait plus. Coll. musée Frédéric-Dumas. Don Jean-Pierre Durand.

Le boîtier « Tarzan » ouvert. Il s’agit ici d’une photo envoyée par un collectionneur US qui nous demandait les références de nos boîtiers « Tarzan ». L’intérieur du boîtier « Durand » est beaucoup plus complexe!

La boîte de transport du matos. Photo Jean-Pierre Durand. (les boîtes de transport des matériels photo de Jean-Pierre Durand font également partie des fonds du musée)

Jean-Pierre Durand. Photo Bernard Laire.

Ensemble de prise de vues sous-marines. Photo prise pour l’inventaire lors de la donation. Cet ensemble est exposé salle Maurice-Fargues. Coll musée Frédéric-Dumas. Donation Jean-Pierre Durand. Photographe de l’inventaire: Bernard Laire.

Jean-Pierre Durand nous a prêté une série de que Bernard Laire à reproduites.

Voici deux autres objets inclus dans la donation faite par Jean-Pierre Durand:

Profondimètre réalisé par Jean-Pierre Durand, élève assidu des cours de physique. Coll musée Exposé au musée. N°INV 2011.21.1. Don Jean-Pierre Durand.

et

Planche traineau aquatique réalisée par Jean-Pierre Durand. Vue tout l’été 2013 à la batterie du Cap Nègre de Six-Fours les Plages. Coll musée. Don Jean-Pierre Durand.

1964- Eclairage sous marin

Construction d’un projecteur 150w et d’un caisson étanche pour une caméra Eumig 8 mm automatique et électrique, puis en 1973 d’un caisson pour caméra Canon 814 super 8. Le tout en PVC et Plexiglas. Mais ça devient l’ère moderne……….

La Seyne le 26 février 2011

Vous souhaitez contacter Jean-Pierre Durand:

Jean-Pierre DURAND
709 Chemin d’Artaud à Pignet
83500 LA SEYNE SUR MER
04 94 94 64 93