Un peu d'histoire sur... le scaphandre autonome ou The Self Contained Underwater Breathing Apparatus
(SCUBA) Site
web : http://www.spiro-vintage.com/untitled (par Luca DIBIZA) Une de mes
passions, vous l'aurez compris est la collection de vieux détendeurs de la
marque Spirotechnique, symbole du scaphandre autonome et de la plongée
sous-marine moderne. Cependant il me semble nécessaire pour les
personnes qui visiteront ce site sans avoir de notion historique sur la
plongée moderne, de savoir que tous n'a pas était inventé par un seul homme
en 1946, le Commandant Jacques-Yves Cousteau. Bien
au contraire, l'histoire de la découverte du milieu marin remonte à
l'antiquité, mais la grande révolution aura lieu au cours du XIX siècle avec
l'invention du détendeur... Le
mot scaphandre a été inventé en 1775 par l'Abbé de la Chapelle pour
dénommer son invention, une sorte de gilet de sauvetage en
liège permettant à des soldats de flotter et de traverser les cours
d'eau (Photo 1). Scaphandre vient du grec skaphe (barque)
et andros (homme), et signifie donc bateau de l'homme. De nos
jours le mot scaphandre ne se réfère plus du tout à l'invention de
l'Abbé de la Chapelle mais il est resté dans l'usage de la langue française
pour se référer à un ensemble de combinaisons ou de dispositifs permettant à
une personne d'évoluer en sécurité dans un milieu qui lui est hostile
(exemple: scaphandre pieds lourds, scaphandre autonome ou scaphandre
spatiale). Photo 1 Le premier
détendeur de l'histoire est une invention du docteur Manuel Théodore
Guillaumet de 1838. Mais il n'est pas autonome, l'air est fourni par une
pompe en surface.Il n'incluait donc pas encore de réserve intermédiaire
entre l'arrivée d'air et le plongeur. L'histoire
du scaphandre autonome commença vraiment dans le département de l'Aveyron le
14 Avril 1860 où un certain Benoît Rouquayrol déposa un brevet pour un
« régulateur » destiné à un appareil de sauvetage des mineurs
victimes de coups de grisou et de galeries noyées. C'est un
détendeur qui fonctionne selon le même principe que celui de Théodore
Guillaumet. Le 16 janvier 1862 voit le jour d'un
nouveau brevet : l'"Isoleur Rouquayrol" composé du régulateur et
d'un masque avec pince-nez et embout buccal en caoutchouc vulcanisé fixé sur
un bec métallique. Ce système permet de supprimer le lourd casque de
scaphandrier. le 11 mars 1864 Benoît
Rouquayrol et Auguste Denayrouze partage un brevet de réservoir
intermédiaire destiné à la version alimentée par pompage, avec pompe manuelle
en surface et aussi, en usage alternatif, un réservoir d'air comprimé gonflé
à 40 atmosphères pour la version autonome. C'est l'appareil
Rouquayrol-Denayrouze (Photo 2), le premier à être destiné à la plongée
sub-aquatique. Pour ce brevet de 1864 deux variations du régulateur de 1860
vont se suivre en adaptation à la plongée. Le premier est le type dit
« basse pression » (8 et 25 litres), alimenté en air par une pompe
et utile autant en milieu marin qu'en milieu minier. Le deuxième modèle est
le type dit « haute pression » (35 litres), autonome grâce à une
réserve d'air pressurisé à 30 kg et permettant une autonomie
d'une demi-heure à 10 mètres de profondeur. Une variante de ce dernier, en
fer avec rivets de renfort, pouvait être pressurisée à 40 kg. Afin
de protéger le plongeur du froid des profondeurs marines Rouquayrol et
Denayrouze créent un habit étanche en toile caoutchoutée, comme celle déjà
utilisée par les scaphandriers de cette époque. Des semelles de plombs de
huit kilogrammes chacune viennent compléter l'équipement. Le plongeur porte
un pince-nez mais aucun équipement n'est prévu pour protéger ses yeux. Les
premiers essais sont faits par des plongeurs en apnée d'Espalion qui
pratiquent la pêche de poissons piégés à cet effet dans des herbiers
sub-aquatiques et qui plongent les yeux grands ouverts sous l'eau sans aucun
type de protection. Un appareil de cette génération de 1864 est exposé
au Musée du scaphandre d'Espalion. Il est le seul exemplaire connu
et encore conservé de l'appareil Rouquayrol-Denayrouze original. C'est la
société Piel, héritière à la succession des sociétés Denayrouze et Charles
Petit, qui l'a offert au musée. Le 27 juin 1864, adjonction au
scaphandre autonome d'un habit en toile caoutchoutée conçue par les deux
associés. Le brevet est déposé en y incluant une petite cloche à hublot
unique, pour la tête du plongeur. La cloche se remplit d'air au fur et à
mesure des expirations du plongeur. Mais en 1865 Rouquayrol et Denayrouze
constatent que le système de la cloche au remplissage d'air progressif est
insuffisant pour la protection des yeux du plongeur et que leur première
conception avec pince-nez et sans protection pour les yeux doit être
complètement abandonnée au profit d'un système de protection permanente des
yeux du scaphandrier. Ils conçoivent un masque facial en cuivre adaptable à
l'habit de plongée et qu'ils surnomment « groin » en raison de sa
forme. L'air en provenance du régulateur arrive dans le masque par un embout
buccal et les gaz d'expiration sont évacués moyennant un robinet manuel à
soupape de non-retour. Trois brevets de ce masque-groin se succèdent en
passant de un à trois puis finalement quatre hublots (Photo 3), mais des
difficultés relevées par les plongeurs l'ayant utilisé amènent Auguste
Denayrouze, en 1866, à remplacer le masque-groin par un casque
scaphandre traditionnel équipé du même embout buccal et du même robinet
d'évacuation d'air vicié. Le 5 septembre 1865 Rouquayrol
et Denayrouze dépose un brevet pour une adjonction au scaphandre d'un
sifflet avertisseur qui annonce un bas niveau de la réserve d'air et le 17
février 1866, le brevet d'un filtre en toile métallique qui empêche les
particules marines de venir entraver le mécanisme du régulateur. Par la suite Auguste
Denayrouze en Janvier 1873 deux autres brevets: celui de la soupape
Denayrouze à bouton-poussoir, sur lequel le plongeur peut appuyer par une
pression de sa tête. Puis celui du casque Denayrouze 1873
à trois boulons. Les trois boulons sont ceux qui tiennent l'habit de plongée
en le pinçant entre le bonnet du casque et la pèlerine.
L'arrivée d'air ne se fait plus par un embout buccal mais directement dans le
casque, qui inclut toujours le robinet d'évacuation d'air vicié ainsi que,
nouveauté, le bouton-poussoir, qui jouit d'un brevet indépendant. Un réservoir
intermédiaire entre la pompe et l'espace clos du casque assure une régularité
de l'apport d'air, ce qui protège les oreilles du plongeur des différences de
pression générées par les à-coups des pompes traditionnelles qui jusqu'alors
envoyait l'air directement dans les casques des scaphandriers. De son coté, Louis Denayrouze, le
frère d'Auguste dépose 3 autres brevets: Le 2 juin 1872 : brevet de
« l'Aérophore », un appareil qui à nouveau est destiné au sauvetage
en milieu minier, doublé d'un brevet de lampe à pétrole étanche qui peut
aussi être utilisée sous l'eau. Le Février 1874 : brevet du
« Cornet acoustique sous-marin », premier téléphone sous-marin
permettant au plongeur de communiquer avec les équipages restés en surface. Puis pour terminer en 1889, il dépose
le brevet du casque Denayrouze à crochet. Il s'agit d'un système de fixation
à crochet sans boulons. Plusieurs constructeurs adoptent ce système, mais il
n'obtient pas le succès attendu car les plongeurs, habitués aux système de
fixation par le biais de boulons, restent sceptiques quant à ce crochet. Ce
type de scaphandre est celui que Tintin utilise dans la bande
dessinée Le Trésor de Rackham le Rouge. Le scaphandre de Rouquayrol et
Denayrouze inspirera aussi Jules Vernes pour son ouvrage 20 000 lieux sous
les mers. Photo 2 Photo 3
Pour son premier prototype de palme de plongée moderne (Photo 4), il fit en 1914 une démonstration devant un parterre d'officier, dont Yves Le Prieur qui en 1926 allait inventer (et en 1934, perfectionner) une série de modèles de scaphandre autonome. En 1939, De Corlieu put commencer enfin la production en série de ses palmes, que jusque là il avait fabriquées dans son appartement de Paris. En cette même année de 1939, l'Américain Owen P. Churchill acheta une licence à De Corlieu pour les fabriquer aux États-Unis et commença a les commercialiser. Elles furent adoptées dès 1940 par l'US Navy et ses nageurs de combat qui les utilisèrent par exemple lors du Débarquement de Normandie. Photo 4 En 1925, le commandant Yves Le
Prieur assiste au Grand Palais à une démonstration que Maurice
Fernez fait de l’un de ses appareils de respiration subaquatiques,
alimenté en air de surface par une pompe. Il lui propose de remplacer sa
pompe et son tube respiratoire par une bouteille d'air comprimé, la même
utilisée par la société Michelin pour son kit de réparation de crevaison qui
équipait alors les voitures. Ce système permettra d'offrir au plongeur
l'autonomie et l'indépendance de la surface. Fernez accepta et
en 1926 ils brevetèrent ensemble leur scaphandre Fernez-Le Prieur
(Photo 5). Les apports de Fernez incluaient un pince-nez, des lunettes dites
« lunettes Fernez » et une soupape de non-retour pour l'échappement
de l'air d'expiration du plongeur. L'apport de Le Prieur fut
un détendeur de plongée manuel (ou manodétendeur) qu'il avait conçu
et couplé à la bouteille d'air comprimé. Le Prieur remplacera les lunettes et
le pince-nez de Fernez par un petit masque à hublot, plus sûr, en 1931. Ce
scaphandre à valves manuelles pouvait fournir de l'air à deux plongeurs et
délivrait de l’air uniquement à pression constante et en fonction de vannes
commandées à la main. Photo 5 En 1935 Georges
Commeinhes dépose le brevet pour un appareil respiratoire destiné
aux pompiers. il associe le détendeur Rouquayrol et Denayrouse et la
bouteille Le prieur. Puis en 1937 il sortira une
version amphibie qui sera agrée par la marine nationale. Il faudra attendre 1942 pour
que Georges Commeinhes dépose un brevet d'appareil de respiration
autonome en milieu liquide, sous pression, qu'il nomme GC 42 (Photo 6). Le
scaphandre est caréné, comportant deux bouteilles de 4 ou 5 litres,un
détendeur à membrane, un manomètre de pression, une alarme sonore. Avec
ce scaphandre novateur il va faire une plongée à Marseille à la profondeur de
53 mètres le 30 juillet 1943. Photo 6 Pendant ce temps sous l'occupation allemande, à
Paris, un certain Émile Gagnan adapte le régulateur Rouquayrol-Denayrouze à
l'alimentation des moteurs de voiture qui fonctionnent au gaz, suite à la
pénurie de carburant qui se faisait ressentir très durement (Photo 7). Il
déposa à cette fin le brevet de son propre détendeur, miniaturisation du
détendeur de Rouquayrol et deDenayrouze fabriquée
en bakélite À cette époque le patron de Gagnan était
Henri Melchior, ancien amiral de la Marine nationale devenu
directeur de la société Air liquide. La fille de Melchior était Simone
Melchior, épouse de Jacques-Yves Cousteau, un enseigne de vaisseau qui depuis
sa rencontre avec le Capitaine de Corvette Philippe Tailliez, cherchait à
perfectionner l'appareil autonome de plongée sous-marine inventé par le
Commandant Yves Le Prieur. Lorsque Melchior prit connaissance de l'invention
de Gagnan, il en parla immédiatement à son gendre, Cousteau, et les deux
hommes se rencontrèrent à Paris en décembre 1942. Deux mois plus tard le
prototype, muni d'un seul tuyau annelé, fût testé dans la Marne par Cousteau
(photo 8). Mais celui-ci ce trouva dur à l'inspiration tête en bas et fusant
tête en haut et il fallait donc être en position horizontale pour respirer
correctement. Cousteau suggéra quelques modifications dont un second tuyau
annelé pour ramener l'expiration contre la membrane pour compenser les
différences de pression. Retour à l'atelier... et le détendeur de Gagnan fût
testé en mer avec succès en juin 1943, à la plage du Barry
à Bandol. Les participants furent Philippe Tailliez, Frédéric
Dumas et Jacques-Yves Cousteau (Photo 9), les futurs mousquemers. Photo 7
Photo 9 En 1944
Georges Commeinhes décède lors de la libération de Strasbourg et
son détendeur sombrera dans l'oubli au profit de l'invention de Gagnan et Cousteau. Cousteau et Gagnan (Photo 10) brevetèrent
leur invention en 1945 sous les noms de « Scaphandre
Cousteau-Gagnan 1945 ou CG45 » et « Aqualung », pour
l'exportation. La commercialisation elle-même débuta l'année suivante, le 26
MAI 1946 avec la création de la SARL "La sprirotechnique" , filiale
de Air Liquide, qui devant le succès de la commercialisation du CG 45
deviendra SA "La spirotechnique" en 1951.
Le logo de
la marque (Photo 12) fût directement inspiré de cette photo historique de
1943: la barre du Dalton (Photo 11). L'épave repose juste devant le quai du
phare de l'ile de Planier au large de Marseille. Photo 11
Photo 12 Pour le plaisir, ... le graal de tous
les collectionneurs, le prototype du CG 45 en 6 photos. Elles m'ont été
transmises par Jacques Chabbert, qui les tiens de Manuel Cabrère d'Aqualung. L'heureux propriétaire étant
Aqualung, il s'agirait du seul exemplaire parvenu jusqu'à nous mais des
rumeurs courent qu'un second exemplaire existerait ...
Cousteau en train de Narguilé CG43 Gréer son CG43
Une
brochette d’embouts Fernez
CG43 ou scaphandre
air liquide |